vendredi 11 septembre 2009

Les auras, petit bout du chapitre 3

Spéciale dédicace à Shaya, même si ce roman ne sortira sans doute jamais de mon tiroir parce que j'en ai d'autres à écrire avant (des mieux donc j'ai plus envie). Un petit bout du chapitre 3 donc (attention, texte non retravaillé, allez, on va dire que c'est un premier jet. Indulgence messieurs dames).
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Emile n’écoutait pas son professeur d’Histoire. Il dessinait une belle pomme rouge dans la marge de son cahier. Son père tolérait les stylos ou les feutres indélébiles uniquement durant les leçons et ses professeurs surveillaient étroitement ses dessins. Du moins, en général.
Ce jour là, mardi 10 avril 2091, le timide professeur gardait l’œil rivé sur ses fiches. Cela faisait peu de temps qu’il enseignait l’Histoire à Emile et la pression du statut des Bertin ajoutait à son malaise permanent d’instruire un enfant pratiquement autiste. Le professeur aurait tout donné pour qu’Emile écrive les dates clefs de la leçon. Il s’efforçait de continuer son cours comme il l’aurait fait pour un autre élève. Un élève normal.
« 2030 ! annonça-t-il. Après vingt-ans de recherche en laboratoire et auprès des détenus de la prison des Baumettes à Marseille, le docteur René Debon obtient l’autorisation de tester ses théories sur les auras à l’échelle d’une grande agglomération de France métropolitaine. Plusieurs villes, dont Marseille, Strasbourg et Lyon, sont volontaires. C’est finalement Lyon qui est choisie. Les scanneurs d’aura sont disponible librement dans toute la ville. En six mois, l’insécurité se multiplie par dix. La police est submergée par les plaintes pour harcèlement et les cas de légitime défense uniquement liés aux auras. L’expérience est un échec. Les scanneurs d’aura sont détruits. René Debon part à la retraite. Il a soixante-quinze ans. »
Le professeur jeta un coup d’œil à la feuille d’Emile. La pomme rouge reposait dans une large main. Chaque veine, chaque détail, rendait le dessin réaliste. Les ombres, les cals, le duvet brun… le professeur dégluti et replonga dans ses fiches.
« Fin 2030 ! »
Emile sursauta.
« Le docteur Debon se retire sur l’île-Coquille achetée cinq ans plus tôt suite au succès de ses ouvrages sur le comportement et les signaux cognitifs, notamment le best-seller « De l’importance du comportement sur les fluctuations des couleurs de l’aura en milieu carcéral », voir cours précédent.
Le docteur Debon rassemble sa famille et ses amis sur l’île. Il évoque souvent ses regrets quant à l’échec de l’expérience de Lyon. Dans ses mémoires, il parle de la société idéale sans crime et sans délit qu’il voulait créer.
Ses enfants, Julien, Frédéric et Muriel, lui proposent de réaliser son rêve sur l’île. Ils entreprennent de faire construire les principaux bâtiments et offrent la nationalité conchalliote à tout ceux prêts à les suivre dans cette aventure humaine. La seule condition d’entrée est le test de l’aura : entre 2031 et 2040, tous les nouveaux arrivants dégagent une aura bleue.
Quelques cas d’auras rouges sont diagnostiqués et confiés à la recherche. Les meilleurs spécialistes tentent de comprendre comment le changement a eu lieu pour leur faire retrouver une aura bleue. »
Le professeur se sentait mal à l’aise d’évoquer les deux couleurs des auras devant un enfant à l’aura blanche.
Sur la feuille d’Emile se tenait à présent la silhouette d’un homme. L’enfant griffonnait des carreaux sur les manches retroussées de la chemise d’où sortait le bras qui tenait la pomme.
« 12 octobre 2045 ! A quatre-vingt-dix ans, René Debon meurt. Ses enfants décrètent une journée de deuil national. Les maires des six quartiers préparent les premières élections présidentielles. On dénombre près de trente mille adultes en âge de voter. Sébastien Boisselier, maire du quartier du cœur, devient le premier président de l’île-Coquille.
Au cours de son mandat, les relations internationales se dégradent. Le commerce avec la France devient de plus en plus difficile de part la violence des auras rouges de la métropole. L’industrie de l’île se développe pour diminuer les contacts avec l’extérieur.
Parallèlement, des conflits permanents opposent l’Europe et les Etats-Unis à la Chine et à l’Iran.
En 2050, la destruction des premiers satellites de communication américains marque le début de la troisième guerre mondiale. »
Le professeur leva le nez de ses fiches et sorti un mouchoir pour s’éponger le front.
« Pourquoi je continue ? Cet enfant réagit moins qu’une St Jacques. »Il soupira et reprit d’une voix monocorde.
« Sur l’île, les auras rouges sont de plus en plus nombreuses. Les spécialistes renoncent à les soigner. La première prison rouge est construite dans le quartier Nord-Est.
Sur le continent, la guerre devient de plus en plus violente. La côte ouest des Etats-Unis est ravagée par les bombardements intercostaux avec la Chine.
Le 8 août 2055, les derniers satellites de communication européens sont coupés : l’île se retrouve isolée. A la fin de son second mandat, le président Boisselier permet à quelques bateaux de faire la navette jusqu’au continent pour les familles désirant quitter l’île. La pénurie de carburant met rapidement fin à ces navettes.
Octobre 2055, Kévin Leroux succède à Sébastien Boisselier. C’est sous sa présidence que le contact avec le continent est rétabli à la fin de la guerre en 2059 : un bateau de réfugiés français accoste et…
Tu saurais dessiner un bateau, Emile ? »
L’enfant se tourna. Son regard s’anima. Le professeur d’Histoire sourit.
« Il faut juste trouver le moyen de l’intéresser… »
Le professeur s’assit sur un coin du bureau et sortit un magnifique stylo plume. Il le tendit à Emile. L’enfant sourit à pleines dents.
D’un geste vif, il attrapa le stylo et le regarda avidement. Puis, sans que le professeur ne comprenne, Emile posa le stylo devant lui.
« Veux-tu que je te montre comment… »
Emile l’arrêta d’un geste. Il regarda son dessin. Dans le silence de la chambre, le petit autiste ouvrit un tiroir de son bureau et sortit un fin cutter. Il coupa lentement la feuille quadrillée de l’homme à la pomme. La découpe fut si nette que l’on aurait eu peine à dire qu’il manquait une feuille au cahier. Le professeur observa sans comprendre les gestes de l’enfant. Emile détacha méticuleusement la feuille jumelle dans l’autre moitié du cahier puis il regarda son professeur et lui fit signe de masquer ses yeux.
Le professeur comprit et les ferma quelques secondes. Quand ils les ouvrit, les deux feuilles avaient disparu. Le stylo plume aussi.
Le professeur se leva d’un bond. Il transpirait de nouveau à grosses gouttes. Il venait de commettre une erreur. Une énorme erreur ! Le président Bertin lui avait pourtant demandé de surveiller les dessins d’Emile ! Il ignorait les enjeux d’une telle demande : tout ce qu’il voyait, c’était son revoit immédiat si Pierre Bertin apprenait sa maladresse.
« Bateau ! » dit Emile d’une voix naïve qui dénotait avec son physique pré-adolescent.
Il prit l’un de ses propres stylos et se mit à esquisser un bateau plein de réfugiés.
Le professeur d’Histoire ne savait plus comment agir. Aurait-il des ennuis si Emile dessinait un bateau ? Il entendit des pas dans le couloir. Nerveusement, il jeta ses fiches sur le dessin d’Emile qui se renfrogna aussitôt.
« Et c’est en 2059 que le référendum sur l’autarcie de l’île… »
La porte s’ouvrit. Emile et son professeur sursautèrent.
« Tout se passe bien, ici ? » demanda Pierre Bertin.
Il souriait, du sourire que seul les politiciens peuvent arborer, mais ses yeux trahirent sa suspicion lorsqu’ils se posèrent sur Emile.
« Très bien, Monsieur le Président, bredouilla le professeur. Nous venons d’évoquer les réfugiés de 2059 et Emile à dit "bateau" ! »
Pierre plissa les yeux. Il regarda de loin les feuilles devant son fils et ne vit pas de dessin. Bien.
« S’il parle, c’est qu’il vous apprécie ! Bon travail. Je vous laisse, j’ai une réunion. Lorsque la leçon sera terminée, signalez votre départ au concierge.
— Oui, Monsieur Bertin. Bien, Monsieur Bertin. »
Le président sortit aussi vite qu’il était entré.
Emile poussa les fiches de son professeur.
« Bateau ?
— Non. Pas de bateau », dit-il doucement.
Le professeur barra de deux grand traits l’esquisse du bateau de réfugiés. Il s’était laissé attendrir par le gamin et ça avait faillit lui coûter sa place. Pas question de recommencer.
« Donc, l’autarcie de l’île a été votée le 16 décembre 2059… »

6 commentaires:

Black a dit…

Dommage qu'il ne sorte pas du tiroir (même si je comprends que tu aies envie de passer à autre chose). Je me suis laissée totalement captiver par l'histoire.

Amibe_R Nard a dit…

Jour-là (petite coquille de tiret au début)

Bombardements intercostaux (intercostal = entre deux côtes)
Difficile de ravager une côte dans ces conditions :-)))

Intercontinentaux ?


Maintenant, si j'étais bêta-lecteur, je te dirais : auteur on te voit !

Pourquoi le professeur raconte-t-il tout ça ?
Quel rapport avec l'enfant (autiste, qui plus est... me mettrais-tu des chiffres, beaucoup de chiffres, je comprendrais. En partie.) donc quel le rapport avec l'enfant autiste ?

J'ai encore du mal lorsque le professeur saute du coq à l'âne
Des US, jusqu'à l'Europe, jusqu'à l'île.
On parle encore de scanners dans une prison, de test en ville (?), d'échec, d'insécurité, d'aura rouge, bleue, blanche...
(Ok, troisième chapitre) mais chapitre zéro pour l'enfant !
Bref, ce n'est pas un cours d'histoire qui partirait de zéro, c'est une énumération gratuite d'événements.



Ce jour-là, mardi 10 avril 2091, le timide professeur gardait l’œil rivé sur ses fiches.

Tu es sûr que c'est le mardi 10 avril et pas le 11, ou le 12 ? :-)))
Pourquoi le 10 avril ?
Et pas à la rentrée ?

L'incise est trop voyante. Trop bruyante et non justifiée.

On n'a pas non plus le nom du "professeur", (multi-répétition : 20 répétitions) lorsque c'est lui qui raconte l'histoire.
Il n'est pas non plus enseignant. L'intérêt de l'enfant n'est pas noté, ni observé.
On sent donc la dissociation entre ce qui est dit et ce qui est vécu.

D'où : l'auteur me balance de l'info pour de l'info.

Reprendrait-il la suite de son cours d'histoire... "ce que nous avons vu la dernière fois".
On pourrait noter une continuité dans l'histoire, pas une irruption dans l'histoire. (Personnage sans passé, sans vécu avant l'histoire.)

Auteur, je te vois !


Je passe sur l'erreur de point de vue à l'entrée du chapitre... on passe d'Emile au professeur

Emile n’écoutait pas son professeur d’Histoire.
n'est pas
Emile ne l’écoutait pas.

Ce point de vue d'un enfant autiste tombe à faux lorsque tu dis :
"Ce jour là, mardi 10 avril 2091, le timide professeur gardait l’œil rivé sur ses fiches. Cela faisait peu de temps qu’il enseignait l’Histoire à Emile et la pression du statut des Bertin ajoutait à son malaise permanent d’instruire un enfant pratiquement autiste. Le professeur aurait tout donné pour qu’Emile écrive les dates clefs de la leçon. Il s’efforçait de continuer son cours comme il l’aurait fait pour un autre élève. Un élève normal."

C'est la vision d'un enfant normal, qui remarquerait le malaise de son prof... malaise dont l'enfant normal profiterait.
A la rigueur, c'est la vision d'un narrateur orienté qui regarde XXXX, professeur.
Mais on tombe alors dans un troisième point de vue. :-)

En moins de vingt lignes, c'est chaud.
Trop pour que je ne te dise pas : auteur, je te vois !


A la fin, le père ne voit pas la pomme dessinée sur le cahier ! :-) (pourquoi une pomme d'ailleurs, quelle symbolique dans l'esprit de cet enfant autiste, pourquoi le professeur ne s'y intéresse-t-il pas davantage ?... quel est l'état d'esprit de l'enfant ? Apprendre à un inattentif, c'est comme parler dans le désert.)

J'aurais d'autres objections sur quelques points et surtout sur le fait que Pierre Bertin se précipite dans la pièce pour une obscure raison (N'a-t-il rien d'autre à faire, ce président ? A-t-il placé des micros dans la pièce pour arriver au moment opportun, où est-ce encore un coup de l'auteur ? ;o))). Qu'il embrasse son fils avant de partir, ok ! C'est naturel, mais pas qu'il surgisse juste à point pour enquiquiner le prof ! Trop facile. Trop auteur, je te vois ! ;-) )


Premier jet ?
Oui, un premier jet léché quand même. :-)))

Et pas mal du tout... pour un premier jet.

Sauf que je te vois.
Abrabêtacadabra, disparais auteur !

Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard

Anonyme a dit…

petite note d'humour la référence à la St Jacques, pour un habitant de l'ile coquille ??

huggy

N.B. Coste a dit…

@Blacky : Merci ! Hélàs, je crois que pour que mon histoire soit meilleure, je vais devoir virer Emile... ou en tout cas, revoir son rôle dans l'histoire.

@Bernard : Merci ! Ça me permet de voir l'histoire sous un angle différent. Je savais que j'avais un souci de point de vue mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Enfin, pour l'instant il prend plutôt la direction du tiroir que du retravail, mais tes remarques me serviront sans doute un jour ou l'autre...

@Huggy : Tu sors. Quand je pense que tu l'as lu, toi. Bien sûr qu'il y a un rapport !

Shaya a dit…

C'est gentil comme tout, la dédicace :heart:

COA ???? Huggy a lu, et pas moi ? :fairemal:

:love: Vivement que ça sorte du tiroir.

N.B. Coste a dit…

Hé oui, Shaya, Huggy lira toujours tout mes textes le premier... c'est l'avantage (mais aussi l'inconvénient) de m'avoir épousé !