Il était une fois, dans un lointain pays, un petit village paisible au pied d’une montagne. Ce village était si paisible, que la monotonie se rompait à peine lors des changements de saison. Printemps, été, automne, puis un nouveau printemps. Mais d’hiver point. Du moins… Aucun hiver de mémoire d’homme.
Au cœur du village, la vieille Céloïse racontait pourtant son enfance faite de courses de luges, de batailles de boules de neiges et de personnages rondouillards sculptés dans les jardins. D’ailleurs, tous les enfants adoraient écouter Céloïse. Les adultes souriaient gentiment devant la vieille un peu folle… Mais un jeune homme en particulier restait sensible à la voix de la conteuse. Maël venait à peine de quitter l’enfance et son imaginaire regorgeait des légendes de la vieille Céloïse. Comme il était bon et généreux, il l’aidait souvent, effectuant de menus travaux pour soulager le quotidien de la doyenne du village. Un jour qu’il l’aidait à puiser de l’eau au puits, il lui exprima dans un soupir son regret de ne pas connaître le frisson de la neige.
Céloïse le regarda avec attention, le détailla des pieds à la tête et planta ses yeux si profondément dans ceux du jeune Maël que celui-ci se sentit observé jusqu’à l’âme. Une étincelle anima Céloïse. Etais-ce de l’espoir ? De l’amusement ? De la folie ?
La vieille lui indiqua le moyen d’exaucer son souhait. Il lui suffisait de monter au plus haut de la montagne, là où tombent les flocons, et d’en goûter un du bout de la langue. Alors l’hiver reviendrait pour toujours.
Maël la remercia et reprit ses tâches quotidiennes, ne sachant quoi penser des paroles de Céloïse. Mais sa curiosité le poussa à vérifier ne serais-ce que la probabilité que des flocons tombent bel et bien en haut de la montagne.
Le lendemain, il partit à l’aube avec un petit équipement de survie. Beaucoup le raillèrent, mais plus encore l’envièrent.
L’ascension n’était pas difficile, un large sentier montait en colimaçon jusqu’au sommet. Différents animaux l’empruntaient régulièrement et, si Maël se sentit observé, il mit cela sur le compte de quelque mouflon dérangé par sa présence.
Mais nul mouflon n’observait Maël. Seul Borok le maléfique, vil sorcier à l’apparence d’ours, s’inquiétait de la présence du jeune homme dans sa montagne.
Oui, sa montagne.
Il avait jeté un sort empêchant le retour de l’hiver pour ne plus jamais devoir hiberner. Et voilà que ce jeune fou venait tout faire rater !
Sans chercher dans sa mémoire les termes exacts du contre-sort, il partit par un chemin dérobé pour prendre de vitesse le trop naïf villageois.
Maël poursuivit sa route sans encombre jusqu’à un croisement assez marqué où il s’assit, un peu découragé. Par où devait-il passer pour atteindre le sommet ?
Le tirant de ses réflexions, un miaulement plaintif l’attira vers un buisson épineux.
Là, une petite chatte blanche au poil soyeux et immaculé, gisait, une épine plantée dans la patte.
— Aide-moi et je t’aiderais en retour, lui-dit la pauvre bête en fixant son profond regard vert dans les yeux de Maël.
Sans hésiter, le jeune garçon s’accroupit pour soulager la petite chatte.
Au même instant, un terrible ours brun passa sur le sentier sans voir Maël dissimulé derrière le buisson d’épines.
Une fois la petite chatte blanche soignée, elle remercia Maël et proposa de le guider jusqu’au sommet. Le villageois se fia entièrement à cette nouvelle amie et, grâce à elle, il évita sans s’en rendre compte tous les pièges sournois tendus par Borok le Maléfique.
Mais l’ours les rejoint peu avant le sommet et observa la petite chatte avec attention sans douter de sa véritable identité.
A quelques pas de son but, Maël hésita mais son amie ronronna pour le rassurer.
— Va, Maël-au-cœur-pur. Goûte le flocon.
Maël s’éloigna, les yeux rivés sur les rares scintillements s’évanouissant avant le sol.
Quand il réalisa qu’il s’agissait bel et bien de la fameuse neige, il se retourna pour sourire à son amie la chatte, mais ce qu’il vit le paralysa d’horreur.
Un ours brun gigantesque fonçait droit vers elle, pattes levées et griffes sorties.
Maël cria et la petite chatte réagit vite. Elle bondit en se retournant, griffa l’ours en plein dans l’œil. L’horrible bête grogna de douleur et envoya la pauvre chatte blanche s’écraser au sol dans un mouvement de patte rageur.
Le temps que Maël rejoigne son amie, l’ours avait disparu par où il était venu.
Maël prit la petite chatte dans ses paumes et la berça doucement. Ses yeux verts s’ouvrirent faiblement et elle murmura :
— Seul un innocent au cœur pur pourra rompre le charme de Borok le maléfique. Tu dois le faire Maël. Tu dois goûter le flocon magique.
Alors, le jeune garçon retourna vers le point le plus haut de la montagne en serrant toujours la petite bête contre lui.
Il leva la tête, ouvrit la bouche, tira la langue… Et un flocon vint se déposer au bout de celle-ci.
C’est alors que la neige se mit réellement à tomber.
Le second flocon toucha la petite chatte qui s’illumina de lumière blanche, quitta les bras de Maël pour apparaître devant lui sous la forme d’une belle jeune fille aux yeux verts et aux longs cheveux blancs.
— Je m’appelle Lireline, lui dit-elle.
Et elle lui raconta l’enchantement de Borok et sa propre malédiction en tant que gardienne de l’hiver. Grâce à Maël, elle était enfin libre et c’est avec bonheur qu’il la serra contre lui.
On dit que Maël et Lireline sont rentrés au village, que l’hiver est revenu pour ne plus jamais disparaître, trouvant sa place dans le rythme des saisons.
On dit aussi qu’ils se marièrent l’hiver suivant et que les vieilles du village racontent à présent l’histoire d’un ours borgne condamné à errer dans la montagne, prisonnier de son enchantement.
Mais on dit surtout à tous les enfants de goûter la neige, le premier flocon, du bout de leur langue, pour que jamais ils n’oublient l’histoire de Maël et de sa belle Lireline.
Un autre texte écrit dans le cadre de l'atelier d'écriture en décembre 2006 (le second publié dans le recueil des 10 ans). Le thème était donc "le flocon magique" (notez mon titre hyper original) et il y avait de nombreuses contraintes imposées pour respecter les codes du conte (il était une fois, morale, animal parlant... toujours en une heure). Je vous le livre brut (désolée, je passe mon temps de correction sur les fedeylins).
Allez, celui-ci est dédié à Pingu !
lundi 20 avril 2009
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3 commentaires:
:o)!!
;p
Note que, écris en 2006, nous ne nous connaissions pas encore. Mais quand je l'ai relu en cherchant les textes que je pourrais mettre en ligne ici, t'ai tilté sur ce que tu disais au salon du livre sur ton prénom... donc, forcément, spéciale dédicace !
héhé
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